Décryptage

« Notre objectif : régler en dix ans le problème des décharges littorales »

Pour empêcher les anciennes décharges proches du littoral de libérer leurs déchets dans la mer, l’État a lancé un plan national ambitieux. Signalement, diagnostic, financement et assistance technique : tout est prévu pour aider les maîtres d’ouvrage à aller au bout de la démarche.
Le point avec Hélène Roussel, coordinatrice du Plan national de résorption des décharges littorales à l’ADEME.


Pourquoi un plan spécifique pour résorber les décharges littorales ?
Hélène Roussel

Il s’agit de parer à l’urgence face à la montée des eaux, à l’érosion des côtes et aux alertes répétées des biologistes sur l’intoxication au plastique des milieux marins. Ce plan s’inscrit dans le prolongement du plan Zéro déchets plastiques en mer pour 2020-2025. Il cible les anciennes décharges communales situées à moins de 100 mètres du trait de côte. Dans ces replis de terrain, trous ou anciennes carrières, on a enfoui jusqu’aux années 1990 des déchets ménagers, des débris de chantiers, des appareils et des véhicules hors d’usage, parfois quelques déchets industriels. Dans les anciennes zones de combat, on peut aussi avoir la mauvaise surprise de trouver des engins explosifs. Le tout hâtivement recouvert. À l’occasion de l’éboulement d’une falaise ou du déplacement d’une dune, ces décharges peuvent réapparaître et se déverser littéralement dans la mer, parfois juste en bordure des plages…

Combien de décharges et de déchets cela représente-t-il ?
H. R.

Toutes les décharges littorales ne sont pas encore recensées par le Service géologique national (BRGM), les riverains les ayant le plus souvent oubliées. Les collectivités et les associations environnementales nous en signalent régulièrement de nouvelles. C’est ainsi que leur nombre « officiel » est passé de 55 au lancement du plan, il y a un an, à 94 en février dernier. À chaque signalement, le Cerema [ndlr : l’établissement public qui accompagne  techniquement l’État et les collectivités territoriales dans l’aménagement du territoire] se rend rapidement sur place pour réaliser un premier diagnostic. En moyenne, chaque décharge contient 10 000 à
20 000 m³ de déchets sur moins de 5 hectares. Mais on dénombre également quelques « monstres », proches des grands pôles urbains.

Que vont devenir ces sites ?
H. R.

Cela dépend de la situation, notamment de la possibilité technique de les excaver ou de les confiner. Cela dépend aussi de l’objectif du maître d’ouvrage : commune, propriétaire privé, État, établissement public… Par exemple, le Conservatoire du littoral a pour priorité de renaturer intégralement les sites sous sa responsabilité. Il achève actuellement, en collaboration avec le conseil départemental de Charente-Maritime, d’excaver l’ancienne décharge de Fouras pour étendre purement et simplement la réserve naturelle du marais d’Yves, contiguë. Dans le Finistère, l’ancienne décharge de La Torche, dont la maîtrise d’ouvrage est portée par la communauté de communes du Pays Bigouden Sud, retournera à la nature cet automne. Fini les déchets qui tombent de la dune sur la fameuse plage de surfeurs ! Au pied de la falaise de Dollemard, au Havre, l’opération sera plus compliquée : il va falloir faire preuve d’ingéniosité pour passer soit par le rivage, en se jouant des marées, soit par la voie terrestre, avec un treuil géant.

Quels sont les principaux défis à relever ?
H. R.

Hormis les problèmes d’accès et de sécurité, le principal défi est le tri et la valorisation, pour limiter les transferts vers des centres de stockage déjà largement saturés. C’est particulièrement vrai dans les îles et les territoires d’outremer où, précision importante, les décharges en bord de ravines ont été intégrées au programme. Un autre enjeu porte sur les microplastiques, résultant notamment de la fragmentation des sacs poubelle, des bouteilles d’eau, des emballages alimentaires et des déchets du bâtiment. Ces petites particules, inférieures à 5 millimètres, passent à travers les tamis et restent dans l’humus accumulé par la dégradation des déchets organiques. Un projet de recherche sera prochainement lancé pour tester des techniques de dépollution. Ces résidus étant plus légers que la terre, il semble possible de les en séparer par lavage et séparation des particules solides en milieu liquide. Nous espérons une solution opérationnelle pour la première vague de chantiers issus du nouveau plan, dans quelques mois.

Quel message adressez-vous aux responsables de ces sites ?
Nom

Qu’il faut sauter sur l’occasion, ne serait-ce que pour obtenir un diagnostic, qui peut d’ailleurs conclure qu’il n’y a pas d’urgence. Notre budget de 30 millions d’euros par an sur dix ans est suffisant pour prendre en charge 50 à 100 % du coût des études et des travaux, selon la propriété foncière de la décharge. Pendant toute la durée des projets – en moyenne trois à cinq ans –, les maîtres d’ouvrage bénéficieront de l’appui technique du Cerema, de l’ADEME, et du BRGM, aussi bien pour trouver des financements complémentaires que pour faire les bons choix techniques, à mesure de l’avancée des travaux. La réhabilitation d’une décharge est au confluent des travaux publics, de la réhabilitation des friches, du traitement des sites et sols pollués et de la gestion des déchets. Au siège de l’ADEME, où je travaille, je n’ai qu’un couloir à traverser pour trouver les meilleurs experts dans chacun de ces domaines…